05/04/2018

Avant Mai 68, il y eut Novembre 66...

Mai 68
"Le scandale de Strasbourg,  
mis à nu par ses célibataires, même »,
d'André Bertrand et André Schneider


« En 1966, un groupe d’étudiants contestataires fut élu à la tête de l’AFGES (Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg), alors branche locale de l’Unef. Leurs sympathies allaient aux anarchistes, à Max Stirner, à Makhno et à Durruti, mais aussi aux surréalistes et aux dadaïstes. Les contacts pris par certains d’entre eux avec l’Internationale situationniste se concrétisèrent par la rédaction de l’emblématique pamphlet De la misère en milieu étudiant.

Les prises de position publique et les actions concrètes qui entourèrent la diffusion de ce brulôt ne laissaient aucun doute : ces étranges et dangereux élus syndicaux œuvraient à la dissolution de leur syndicat après avoir dilapidé ses fonds en fêtes et en propagande subversive. Ils ne visaient rien d’autre qu’au renversement révolutionnaire de la société – dans le but de libérer la vie quotidienne de l’aliénation du travail salarié, pour "vivre sans temps morts et jouir sans entraves". Ces exigences élémentaires et leur début d’application causèrent un immense scandale relayé largement par la presse de l’époque tant en France qu’à l’étranger.

On s’accorde à dire que ce scandale fut à la fois le prélude et le ferment des événements de Mai 68. Il est raconté ici pour la première fois en détail par deux de ses principaux acteurs. Les documents et les témoignages qui étayent leur récit dévoilent les dessous de cette aventure, qui propulsa les situationnistes –leur style et leur critique radicale – sur le devant de la scène. »

Editions L’insomniaque, 328 pages (120 illustrations), 25 euros. Paru le 9 mars.

Présentation par la revue "Divergences" (extrait) :
« ... Les étudiants prosituationnistes commencent, dès octobre 1966, à répandre dans l’Université un climat de contestation. Ainsi, au début du mois de novembre, l’affichage d’un tract bande dessinée, Le retour de la colonne Durruti, conçu par André Bertrand, attire l’attention des étudiants et provoque, par la dérision du ton employé, l’amusement ou l’indignation. Le 16 novembre, le périodique de l’AFGES, Nouvelles, sort avec des articles marquant le ton du nouveau bureau : critique du mouvement Provo, article célébrant les dix ans de l’insurrection hongroise, articles sur la remise en cause de la stratégie syndicale de l’UNEF.

Le 22 novembre 1966, les étudiants du bureau de l’AFGES, invités, profitent de la cérémonie d’ouverture solennelle du Palais Universitaire, pour distribuer la brochure De la misère en milieu étudiant, considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier. Tous les représentants des autorités de Strasbourg, de l’évêque au préfet, du général au recteur sont présents et reçoivent le pamphlet, distribué le lendemain sur l’ensemble de l’Université.

La brochure s’attaque au milieu universitaire : "Esclave stoïcien, l’étudiant se croit d’autant plus libre que toutes les chaînes de l’autorité le lient. Comme sa nouvelle famille, l’Université, il se prend pour l’être social le plus “autonome” alors qu’il relève directement et conjointement des deux systèmes les plus puissants de l’autorité sociale : la famille et l’État. Il est leur enfant rangé et reconnaissant. Suivant la même logique de l’enfant soumis, il participe à toutes les valeurs et mystifications du système, et les concentre en lui. Ce qui était illusions imposées aux employés devient idéologie intériorisée et véhiculée par la masse des futurs petits cadres."

Cependant, "l’étudiant est un produit de la société moderne, au même titre que Godard et le Coca-Cola. Son extrême aliénation ne peut être contestée que par la contestation de la société toute entière." Les professeurs y sont qualifiés de nostalgiques de la vieille université libérale bourgeoise, les modernistes de gauche et l’UNEF qui désirent une réforme structurelle de l’Université pour la réinsérer dans la vie sociale et économique sont assimilés aux tenants de la future "Université cybernétisée" adaptée aux exigences modernes du système d’exploitation capitaliste.

La brochure appelle donc les étudiants à rejoindre la fraction révoltée de la jeunesse pour porter une critique révolutionnaire totale de la société moderne. Le reste de la brochure expose les principales thèses situationnistes comme la critique des mythes révolutionnaires, le projet révolutionnaire prônant le pouvoir absolu aux conseils ouvriers, l’autogestion généralisée, le dépassement de l’économie marchande ; l’abolition du travail pour une activité créatrice libre ; la critique du spectacle ; la critique de la vie quotidienne ; la révolution vécue comme jeu et comme fête. (...) »
> Lire la suite de l'article sur "Divergences".

Le Retour de la Colonne Durutti (1966) :
1966
"De la misère en milieu étudiant" est téléchargeable gratuitement en pdf
sur Trajectoire-situationniste ou sur Infokiosques.

Petit clin d'œil. Une galerie d'art de New York vend aujourd'hui Le Retour de la Colonne Durutti, encadré, 2200 dollars (près de 1800 euros) (ICI) ou 300 dollars non encadré (ICI). Au secours (ou LOL!) !

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